Hommages à Jean François Bauret
J’ai appris en ce début d’année par la newsletter de l’Oeil de la Photographie le décès de Jean François Bauret.
Vous trouverez ci-dessous plusieurs témoignages-hommages à ce grand photographe trop méconnu. Dans les années 80, alors que je venais d’adhérer à l’ANPPM, "petit club" parisien qui regroupait les photographes de publicité et de mode, j’ai eu la grande chance d’approcher Jean-François Bauret.
Il avait accepté la présidence de l’association et dans son studio-magasin rue des Batignolles, j’ai participé a 2 soirées de conseils sur l’exercice du métier de photographe avec en prime un cours sur ses méthodes d’éclairage en studio. Souvenirs lointains, mais inoubliables.
Si vous connaissez peu ou mal le travail sur la représentation du corps je vous invite à cliquer sur son portrait pour visiter son site.
Philippe Pons
Hommages de Gabriel Bauret, Yan Morvan et Claude Nori publiés dans l'Oeil de la Photographie le 6 Janvier
De l'oeuvre de Jean-François on ne retient souvent que quelques traits : studio, noir et blanc, portrait. La palette est évidemment plus large et plus nuancée. Ses recherches personnelles sur la représentation du visage et du corps dépassaient souvent le cadre de la photographie, en tous les cas l'emmenaient en dehors des schémas esthétiques traditionnels - le fait même de rapprocher portrait et nu brouille les codes - ; quant à son activité de formation assez peu orthodoxe dans les écoles et les stages, elle en a touché plus d'un. Et puis l'on ne sait pas toujours qu'il a fait partie de cette génération de photographes qui a participé activement, dès la fin des années soixante, à l'éclosion du langage publicitaire moderne - tout en réussissant en ce qui le concerne à imprimer un style très personnel -. En France, on n'aime pas trop les auteurs qui transgressent les genres : on est artiste ou artisan, on fait de la photographie commerciale ou l'on se positionne comme créateur. Jean-François ne se souciait guère de ces catégories, il ne se souciait pas non plus des mécanismes actuels de diffusion de l'art. Il jugeait seulement un peu trop envahissant l'intérêt que l'on porte en France au reportage sous toutes ses formes. Est-ce pour ces raisons qu'il n'a peut-être pas aujourd'hui la juste place qui lui revient? Quoi qu'il en soit, ce qui l'intéressait avant tout, c'était cette confrontation avec un sujet dans le cadre du studio, sans détour, sans complaisance ni concession ; et quelle que soit la personne photographiée. Ces derniers jours, dans les quelques moments de lucidité dont il disposait encore lors de nos si émouvantes conversations, il continuait d'évoquer cette préoccupation, pour ne pas dire cette obsession qui était la sienne : capter chez celui ou celle que l'on photographie un instant de vérité, de relâchement derrière les masques ou les tensions. Regardons ses portraits, et je dirais sa photographie en général, à la lumière de cette idéal qu'il s'était forgé. S'il n'est désormais plus là pour apporter un commentaire et y ajouter un trait d'esprit comme il aimait le faire, beaucoup de ses images parlent d'elles-mêmes.
Gabriel Bauret
© Yan Morvan
C’est une grande douleur d’apprendre le décès de Jean-François Bauret. Avec Jean-François et Didier de Fays, on avait démarré ensemble l’aventure de photographie.com. En 1996, peu croyaient en internet, et Jean-François s’était tout de suite emballé pour le projet. Il nous avait présenté Guy Bourreau qui était à l’époque directeur de Kodak, et Eddy Gassmann le PDG des laboratoires Picto. Ce qui avait permis l’aventure possible. Pendant un an nous allions tous les jours à sa « boutique de photographie », rue des Batignolles, à la fois musée et avant-garde de la technologie. Nous recevions les jeunes et moins jeunes photographes pour publier leur portfolio. C’est là qu’est née la Bourse du Talent, qui expose aujourd’hui la jeune photographie sur les cimaises de la BNF. Jean-François était un très grand artiste. Le jour viendra où son travail sera enfin redécouvert et montré à tous ; le plus rapidement possible. Ce fut un honneur de le connaître et de l’apprécier. Merci Jean-François.
Yan Morvan
Le studio des Batignolles © Yan Morvan
Je viens d'apprendre la terrible nouvelle du décés de Jean François Bauret par Joel Brard et je suis bouleversé.
J'avais proposé il y a peu de faire un livre sur lui avec son frère Gabriel et j'aurai tant voulu passer encore quelques instants avec lui.
Jean François était un mec, un vrai que j'adorais, un solitaire, un subversif, passionné par son travail mais aussi quelqu'un qui aimait entraîner les autres dans ses projets.
Avec lui, pas de compromis, la photo comme un cri, une offrande et un don. Ses nus était une façon de percer les mystères de l'âme humaine mais aussi le prétexte à une séance de prise de vue qui tenait un peu du happening dans un décor sobre, la plupart du temps un fond gris. Les filles qui posaient pour lui en plus d'être être belles, encore plus belles à travers son regard, étaient des écorchées vives, des artistes, des personnes débordant d'amour.
En 1974, il m'avait proposé de le rejoindre ainsi que quelques autres photographes comme Jean Paul Merzagora pour une projection nocturne au Centre américain, là où aujourd'hui se trouve la Fondation Cartier et où dansaient les jolies étudiantes américaines, une projection qui ressembla à un happening tant les images étaient dingues, psychédéliques, sexuelles, décalées. J'arrivais juste de Toulouse avec quelques diapos couleurs de filles déshabillées dans la fumée.... Un peu plus tard il m'a fait poser dans son livre "Hommes nus connus ou inconnus" avant que je décide de publier son livre "Portraits Nus" à Contrejour avec Gabriel.
Sa boutique était pour moi un antre magique, je m'en souviens comme si c'était hier. Pinailleur, précis, en soif d'absolu, il compte dans la photographie française même s'il avait un peu trop tendance à se faire oublier mais les temps modernes devaient être durs pour lui et il devait souffrir des curaillons qui ont envahis le monde de la photographie en France et n'ont souvent rien à faire avec les vrais artistes, comme lui.
Claude Nori
Jean-François Bauret, atelier Hasselblad, 1993 © Bernard Perrine
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