Didier Ben Loulou –Tirages Fresson (3)
Né à Paris, Didier Ben Loulou vit entre Paris et Jérusalem. C’est en 1979 qu’il rend visite pour la première fois à l’Atelier Fresson de Savigny-sur-Orge. Il a alors à peine vingt ans. Il pratique déjà la photographie depuis plusieurs années. C’est grâce à la rencontre avec la galeriste Virginie Zabriskie qu’il découvre le procédé Fresson. Elle y expose le travail de John Batho et sa fameuse série sur la plage de Deauville. Touchée par l’intérêt de ce jeune étudiant si passionné, Virginie Zabriskie lui montre des tirages et lui parle longuement du procédé Fresson. Cette rencontre sera décisive. Didier est tout de suite fasciné par cette technique : ce tirage au charbon qui se démarque si subtilement de l’original (argentique), pour lui le film inversible.
Il s’y ajoute un quelque chose de particulier : « une matière, un poudroiement, un toucher, une matité » précise-t-il plus tard dans des entretiens menés avec Fabien Ribery.
Cette rencontre sera fondatrice pour toute sa démarche à venir ! Très vite, il comprend que chaque tirage Fresson est unique, différent, car travaillé manuellement, étape par étape, touche par touche, à la manière d’une peinture. Comme pour Bernard Plossu avec lequel il partage de nombreux points communs, il commence alors avec l’atelier Fresson une collaboration qui se poursuit jusqu’à nos jours.
Pour Didier Ben Loulou, la photographie n’a jamais consisté à extraire simplement un morceau de la réalité pour la réduire à une simple reproduction. Grâce au procédé couleur Fresson, et ses qualités intrinsèques, Didier est particulièrement sensible à cette densité, cette présence particulière qui sert à transcender sa vision.
Revisitée par l’esprit et le savoir-faire de Michel (disparu en août 2020) et Jean-François Fresson, l’épreuve photographique devient alors pour le photographe, le champ d’une expérience renouvelée à chaque nouveau tirage.
C’est au delà des matières, des carnations, des textures, des couleurs, dont le poudroiement pigmentaire, indistinct et fragile propre au procédé Fresson que se joue une sorte de décalage mélancolique et d’espace intemporel.
« J’y suis allé avec le culot des timides » se souvient-il
« Impressionné par le travail de cette famille qui serait considérée comme un trésor national au Japon. Alors qu’en France personne ne reconnaît ces nobles artisans qui sont de vrais virtuoses dans leur métier. J’y ai laissé quelques diapositives qui servent de matrices pour les tirages papier. Un ou deux mois plus tard, j’y suis retourné et j’ai compris en découvrant les tirages qu’il n’y aurait rien d’autre pour moi à l’avenir que cette qualité-là, ce rendu des couleurs, cette matité des noirs, ce poudroiement qui sublimaient mon travail ».
Le procédé rappelons-le présente une grande souplesse avec des ajustements au cas par cas : par exemple l’adjonction en quadrichromie de couches couleur supplémentaires pour accentuer, valoriser un élément ; couche après couche, le dépouillement plus ou moins accentué localement au pinceau ou à la douchette pour dégager les ombres ou certains détails, etc. Les parties ont appris à se connaître et à s’apprécier, chacun dans son rôle ; une collaboration en bonne intelligence toujours active s'ensuit. Ainsi, particularité propre à Didier et à sa demande deux passages de noirs sont effectués pour chacun de ses tirages afin d’en accentuer, et le graphisme, et la profondeur.
Avec le recul des années, regardant quelques-uns de ses derniers tirages, Didier déclarait récemment :
« Aimer ce grain si particulier et l’aspect très mat du procédé Fresson qui introduit cet imperceptible voile entre le sujet photographié et le spectateur. Toute la place est ainsi faite à la contemplation du tirage et incite à la méditation , ce qu’il ne reconnaît dans aucun des autres procédés.
On y retrouve l’alliance subtile des couleurs mais aussi de ces noirs profonds. Ils restituent l’infiniment petit de cette matière particulière, cette poussière de couleurs pigmentaires, lumineuse et dorée propre à ce procédé ».
Didier Ben Loulou a débuté avec un appareil moyen format 6x6 cm qui depuis ne l’a plus quitté. Ses premières photos ont été réalisées principalement à Saint-Malo et à Dinard, sur le monde balnéaire de son enfance. Rien de puissant ni de spectaculaire…la composition à l’intérieur d’un format carré. Depuis, il ne cesse de parcourir la Méditerranée, de Palerme à Jaffa, de Tanger à Jérusalem, des Sanguinaires en Corse à Marseille, d’Athènes au désert de Judée.
« Le plus souvent mes tirages ne sont pas plus grands que quelques centimètres », précise-t-il, « presque des miniatures (20 x 20 cm), sortes d’antithèses à tous ces formats gigantesques dans l’air du temps. Il me semble que cela a toujours été ma volonté, mon dessein, ce qui me permet d’accentuer le sentiment de proximité, d’intimité, d’identification à mes images ; ainsi en est-il de la lecture des pages d’un livre que l’on tient entre les mains. Mon intention est aussi de ne photographier qu’avec un seul objectif, un 80 mm (dans un souci d’économie technique, de mobilité, de spontanéité du regard). Cette optique étant la plus proche de la vision humaine, elle n’altère nullement les perspectives, que ce soit en les exagérant ou en les compressant ».
Nous tenons à remercier Didier pour nous avoir permis de publier une petite sélection de ses photographies en tirages Fresson.
Didier est toujours équipé de son vieil Hasselblad avec un 80 mm, il utilise des Films inversibles avec une préférence pour la Velvia/ FUJI.
Monographies – source Wikipedia
• Je suis du jour, texte Hubert Colas, Carnet de voyages n° 3, Éditions Le Point du jour et FRAC Basse-Normandie, 1996
• Fragments, Chantal Dahan, Éditions Filigranes, Paris, 1997
• Didier Ben Loulou, texte Jacques Py, Éditions JocaSeria, Nantes, 2000
• Entre ombre et lumière : Jérusalem, Jacques Py, Claire Tangy, coll. Photogalerie, Ides et Calendes, 2001
• Vézelay, Éditions Conseil Général de l’Yonne, direction des Affaires culturelles, Auxerre, 2000
• A Touch of Grace, poèmes de YehudaAmichaï, catalogue Museum on the Seam, Jérusalem, Israël, 2000
• Sincérité du visage, texte de Catherine Chalier, Éditions Filigranes, Paris, 2004
• Jaffa, la passe, texte de Caroline Fourgeaud-Laville, Éditions Filigranes, Paris, 2006
• Jérusalem, Éditions du Panama, Paris, 2008
• Mémoire des lettres, textes de Catherine Chalier et Betty Rojtman, Éditions de la Table Ronde, Paris, 2012
• Athènes, poèmes de YorgosMarkopoulos, Éditions de la Table Ronde, Paris, 2013
• Marseille, textes de Didier Ben Loulou, Éditions Arnaud Bizalion, Marseille, 2014
• Je t’écris devant les fenêtres de mon hôtel, notes indiennes, textes Didier Ben Loulou, Éditions Arnaud Bizalion, Marseille, 2016
• Chroniques de Jérusalem et d’ailleurs, Éditions Arnaud Bizalion, Marseille, 2016
• Israel Eighties, Éditions de la Table Ronde, Paris, 2016
• Sud, Éditions de la Table Ronde, Paris, 2018
• Un hiver en Galilée, Éditions Arnaud Bizalion, Marseille, 2018
• Des amours silencieuses, Agathe Derieux (Préface), Éditions Arnaud Bizalion, 2018
• Cantique des cantiques, Songes de Léonard Cohen, poème de ZénoBianu &Odradek, Les éditions de l’Improbable, Paris, 2019,(ISBN 978 284 739 026 1)
• Mise au point, conversations avec Fabien Ribery, Éditions Arnaud Bizalion, Marseille, 2019
• Sanguinaires, Éditions de la Table Ronde, Paris, 202011,12
Livres d’artistes
• Cantique des cantiques, Songes de Léonard Cohen, poème de ZénoBianu &Odradek, 40 exemplaires, Les éditions de l’Improbable, Paris, 2019
• Voici des sépultures qui datent des temps anciens, poème d’Ibn Ezra, 15 exemplaires, Le Bousquet-la-Barthe éditions, avec une calligraphie en couverture de Frank Lalou, 2018
• Portfolio #57, texte de Nicolas Feuillie, 12 exemplaires, Galerie Pennings, Eindhoven, 2002
• Violence du visage, Emmanuel Levinas, livre d’artiste, 30 exemplaires, Éditions Fata Morgana, Montpellier, 1997
• Dans la langue de personne, poème de Paul Celan, Coll. Pho’Eau # 6, livre d’artiste, 40 exemplaires, Éditions de l’Eau, 1999
C
M
C