Rosine en Haïti
Aujourd’hui Haïti est un pays meurtri, mais malgré la pauvreté, j’ai connu un pays vivant, joyeux et toujours prêt à faire la fête.
Mon frère travaillait pour une ONG en Haïti depuis quelques années et il avait eu l’occasion de participer à la première Fête de la Mer à Pestel, petit village de pêcheurs au sud de Port au Prince. J’avais vu quelques photos, et l’année d’après nous sommes partis avec mon compagnon, lui pour un tournage pour Thalassa et moi pour un reportage destiné à qui voudrait bien le publier, personne à ce jour.
Nous avons passé quelques jours à Port au Prince et très rapidement nous avons pris la route de Pestel avec une voiture prêtée par une ONG. La distance n’était pas très importante mais en Haïti chaque déplacement est une aventure sur de très mauvaises routes ou pistes. Le responsable de la voiture à tenu à garder le volant, c’était sa voiture, mais nous commencions à sentir sa fatigue. Nous venions à peine de quitter une piste escarpée au bord d’un précipice quand la voiture a mordu sur le bas coté et a chaviré, terminant ses tonneaux sur le toit dans un champs de caféiers.Tout était sens dessus dessous dans l’habitacle, les cantines métalliques pleines de matériel et les passagers, mais par miracle, nous sommes tous sortis, à quatre pattes, mais indemnes.
Beau début de reportage …………..
Après avoir remis la voiture sur ses roues avec l’aide de nombreux badauds et dédommagé le propriétaire du champs, nous avons terminé notre route cahin-caha.
Pestel est un adorable village de pêcheurs et la Fête de la Mer est devenu encore aujourd’hui, un évènement important.
Toutes les maisons sont peintes de neuf avec ce talent des haïtiens, plein de couleurs criardes et une harmonie merveilleuse.
Le seul hôtel était d’un confort plus que sommaire et la nuit, impossible de dormir à cause des chiens qui hurlaient et se battaient, mais nous étions vraiment au cœur du village.
Comme dans tout village, le marché est un temps fort. Dès l’aube, arrive une nuée de « bois fouillés » (le canoë local qui ailleurs se transforme en scooter ou vélo, enfin le moyen de transport le plus répandu) avec les petits producteurs du coin qui apportent leur chargement de produits, la table, le parasol, tout le nécessaire pour installer une petite échoppe. Un miracle d’équilibre !!!!!
Les peintres haïtiens puisent largement leur inspiration dans ces marchés très colorés.
Autre temps fort, l’arrivée de « La Sirène », le bateau qui fait la liaison avec Port-au-Prince.
Ce bateau à fond plat, pas marin du tout, gîte dangereusement et l’arrivée dans la rade est assez folklorique.
Les passagers pressés d’arriver, se portent tous sur le même bord, faisant pencher dangereusement le bateau, mais personne ne semble inquiet, on s’interpelle à grands cris joyeux et le débarquement s’effectue dans le plus grand désordre, les passagers sortent par les hublots, par les portes sur des passerelles de fortune, des matelas sont balancés depuis le pont supérieur et les marchandises les plus variés sont débarquées. Un grand moment !
Enfin, le sujet de notre reportage, la fête de la mer, organisée depuis mars 1986 est une grande fête maritime qui se déroule le lundi de Pâques.
L'initiateur de cette fête est le navigateur français Alain Bosmans , passionné de Haïti, et des bateaux locaux. Elle consiste en trois régates : Celle des pirogues ou "bois fouillés" (tronc d'arbres évidé), celle des chaloupes mesurant 5 m à 6 m et, la plus prestigieuse,
celle des grands bâtiments dont les voiles sont composées de sacs de toile cousus les uns aux autres. C'est ce type de bateau qui assure le transport de fret entre Port-au-Prince et Pestel.
L'animation est assurée par les groupes de raras qui sont en ville pour les fêtes de Pâques.
La première année avait été un peu improvisée, mais nous arrivons sur une fête qui a déjà une petite histoire et les candidats se sont préparés. L’effervescence est à son comble.
Bien sûr, comme toujours dans ces circonstances, les petits commerces de toutes sortes se montent sur le port et dans tous le village, des échoppes avec des jeux de hasard bricolés, et des cris, et des rires, et la sono nasillarde à fond, la fête quoi !
Le minuscule port est remplis des bateaux de la course mais aussi de toute une armada de bateaux de plaisance qui vient encourager les concurrents, le tout dans un fouillis indescriptible. Je vois un de mes neveux, un gamin de dix ans, qui navigue sur une coquille de noix au milieu de tout ça, très à l’aise.
Les départs de courses se succèdent, les concurrents rivalisent de force et d’agilité, un seul rameur dans la pirogue au ras des flots, ou cinq marins dans les légères chaloupes aux voiles si élégantes.
Pendant ce temps les grands bâtiments se maintiennent au plus près de la ligne de départ en attendant leur tour. Chacun encourage son champion, l’animateur s’égosille dans sa sono, puis c’est une explosion de bravos, un concurrent vient d’ arriver. Chaque vainqueur touchera une prime, une coupe et son poids en rhum local, le Barbancourt. Pour un équipage ce sera le poids du capitaine.
Puis c’est le départ des Grands bâtiments, les voiles sont hissées par l’équipage encouragé de la voix et du tambour et la rade se remplie de ces majestueux bateaux.
A bord, l’ambiance est chaude, les tambours scandent les manœuvres et le rhum coule généreusement. Mais quelle élégance sur le plan d’eau !
Quand je voyais les préparatifs de ces bateaux bricolés, avec leurs gréements à l’ancienne et leurs voiles faites de sacs postaux japonais, je n’imaginais pas qu’ils auraient cette allure sous voile. Lors de la première fête, le vainqueur, emporté par son élans, avait défoncé la balustrade, mais cette fois, tout s’est bien passé, il parade dans la baie. Puis c’est la pesée et les remises de coupes et les traditionnelles photo, moment de gloire pour les vainqueurs.
La fête bat son plein, un groupe de chanteur anime la soirée.
Demain c’est la procession de Pâques avec le porteur de la croix, les fillettes vêtues de leur plus belle robe, et puis pour faire bonne mesure, un groupe de raras.
Les Raras sont des processions rurales, qui mélangent sacré et profane, organisées par les temples vaudou et les sociétés secrètes Byzangos, dans la période de Pâques.
Ces groupes parcourent les rues des villages, les hommes souvent déguisés en femmes, avec des instruments de musique et des machettes. Le rhum aidant, le groupe joyeux peut devenir agressif si l’étranger ne se prête pas au jeu bon enfant,la plupart du temps.
Le lendemain, nous laissons les Pestelois à leurs festivités et nous embarquons sur un magnifique voilier, pour nous rendre sur l’île de la Grande Cayemite pour la suite de notre reportage. L’équipe Thalassa veut faire le point sur les méthodes de pêche et les ressources de la baie, et moi je profite de l’occasion.
Nous sommes rapidement en vue de l’île. Du haut du mât, la vision est superbe, une île de rêve pour dépliant touristique. Imaginez, un lagon turquoise, une plage de sable blond qui ceinture l’île et un bouquet de cocotier. Et toujours ces bateaux traditionnels aux voiles tellement élégantes.
La réalité est assez différente, cinq miles personnes vivraient là entre la Grande et la Petite Cayemite dans un dénuement total. La base de la nourriture est constituée de cocos à profusion et de quelques rares poissons que les habitants ramènent après des journées en mer. un petit élevage familiale complète le tout.
Les bateaux traditionnels ne permettent que la pêche côtière, aussi,
Les fonds sont déserts, trop pêchés, les stocks ne peuvent se reconstituer. Les pêcheurs pour mettre quelque chose dans l’assiette de leurs enfants, ramènent la moindre petite prise(jusqu’aux juvéniles).
Une ONG avait fabriqué des radeaux au large pour que les poissons puissent s’y reproduire tranquillement mais les radeaux ont été dépouillés de tout ce qui pouvait se revendre.L’herbier marin qui sert de nourriture et d’habitat est étouffé par le ruissellement des eaux de pluie causé par la déforestation intensive.
Ce site magnifique est vierge et le seul développement possible serait le tourisme. C’est vrai qu’aujourd’hui, Haïti n’est pas la première destination à laquelle on pense pour des vacances. Et pourtant, il suffirait d’un investisseur ayant un peu le goût du risque pour que ça marche, je crois que quelques hôtels ont commencés à s’installer. Dans d’autres parties de l’île, à l’île à vaches l’aventure a été tentée et réussie, avec un complexe touristique et une marina. Il y a beaucoup de haïtiens riches,en général à l’étranger, qui viennent s’y reposer.
Aujourd’ui, quand on pose le pied à terre, l’accueil est amical et joyeux, même si les habitants espèrent tous en tirer un petit profit, on nous propose des copies de bateaux locaux, fabrication très artisanale, une maman m’à proposé sa fille de huit ans pour l’adoption,(avec moi sur la photo) c’est dire à quel point ils sont désespérés et je me suis vraiment posé la question du meilleur pour cette enfant.
Nous sommes restés quelques jours sur l’île. L’équipe de « Thalassa » a utilisé un maximun de main d’œuvre, tous, bien sûre voulaient participer au tournage dans une ambiance joyeuse, et nous sommes repartis vers Port au Prince ou la situation politique s’était rapidement dégradée, la population avait décidé de chasser Prosper Avril, enième président ni pire, ni meilleur que les autres. Ensuite, ils ont subit le Père Aristide, un cyclone et dernièrement le tremblement de terre. Pauvre peuple !
J’avais prévue de rester une semaine, mais la tension était telle, qu’après avoir passé plusieurs heures coincée dans une galerie de peinture, en plein centre ville, protégée par le rideau de fer, évité les pneus enflammés lancés dans la pente de l’artère principale, j’ai embarqué sur le premier vol que nous sommes aller attraper en convoi. E l’arrivée en Guadeloupe m’a fait l’effet d’un saut brutal à travers le temps.
© Rosine Mazin
40 photos du reportage de Rosine dans l'album Haïti.
Le 12 janvier 2010, un terrible tremblement de terre anéantissait Port au Prince et la région. Deux de mes amis que j’avais connu en 1989 venaient d’accepter une mission pour vérifier la solidité des écoles en Haïti.
Leur avion s’est posé le 12 à 14h30 et ils se sont rendus vers l’hôtel Montana.
Trois semaines après on a retrouvé leurs corps, dans leur chambre.
RM