Rosine à Jérusamem
Les Editions de la Glacière,
sont heureuses de vous annoncer la sortie du premier album retraçant :
Album N° 1
"J’ai fait mes premiers pas de reporter-photographe par hasard, un copain connaissait un éditeur en Israël qui cherchait un photographe pour travailler sur Jérusalem-est. Je vous parle d’un temps lointain avant la guerre des six jours, en 1966. Un acte de baptême et un passeport vierge de tout passage en Israël suffisait comme C.V. Un peu poussée par les copains, j’ai pris contact avec l’éditeur qui m’a engagée avant même que j’ai eu le temps de réaliser.
Peu de temps après mon billet d’avion en poche, une grosse boule d’angoisse au creux de l’estomac, me voilà prête à l’aventure. Pour faire plus sérieux j’avais loué un Hasselblad et un gros flash avec les accus que l’on portait à l’épaule et une grosse torche avec nombre guide et tout et tout, d’un pratique !!!!!!
Mon reportage portait sur les fêtes de Pâques à Jérusalem et cette année-là, Pâques tombait au même moment pour les Catholiques et les Orthodoxes et une autre fête religieuse se greffait par-dessus, ce qui évidemment attirait beaucoup de pèlerins.
Mon vol prévoyait une escale à Beyrouth. J’embarque, je me pose à Beyrouth et là j’arrive dans une cohue indescriptible, tout le monde voulait se rendre à Jérusalem. Mon reportage à bien failli s’arrêter là. Je voyageais avec un billet au rabais, ce que j’ignorais, je ne pouvais embarquer que s’il restait des places sur le vol, et vue la foule dans l’aéroport, il y avait peu d’espoir. Me voilà coincée à Beyrouth. J’ai quand même fini par apitoyer un responsable de guichet qui m’a trouvé un vol pour Amman en Jordanie. Va pour Amman.
D’Amman, je n’ai aucun souvenir, j’ai trouvé un taxi collectif qui se rendait à Jérusalem et je me suis installée coincée entre deux grosses dames pour un voyage qui m’a semblé durer des heures dans le désert, je me souviens que nous sommes passés près de la mer Morte, mais pas question de lâcher mon taxi et de faire du tourisme.
Enfin, je suis arrivée dans l’hôtel qui m’avait été réservé, une chambre dans un monastère assez spartiate, mais j’étais à pied d’œuvre. Je ne vous cache pas qu’à ce moment, j’ai un peu craqué, seule au bout du monde, parachutée dans un monde dont j’ignorais presque tout, ce n’était pas le moment de paniquer.
Jérusalem était une médina aux ruelles étroites grouillantes de monde de toutes confessions. J’arrivais juste pour la procession du chemin de croix des Catholiques sur la Via Dolorosa, mais bien sûre je n’avais pas eu le temps de repérer, c’était mon premier contact avec une ville du Moyen-Orient, j’avais un peu le vertige. J’ai dû suivre la foule, enfin j’ai fait ce que j’ai pu.
Après je me suis un peu organisée, j’ai trouvé un guide charmant qui parlait anglais à peu près autant que moi et j’ai doucement apprivoisé cette ville. J’ai le souvenir d’un harmonieux mélange de cultures, joyeux, sans aucune trace d’hostilité. J’ai photographié l’esplanade des mosquées et les musulmans en prière, le mur des lamentations qui était dans une ruelle étroite et les juifs religieux en prière, l’édicule abritant le tombeau du Christ à l'intérieur de l'église du Saint-Sépulcre où viennent se recueillir les Catholiques, le Mont des Oliviers, et la vie dans les ruelles de la médina sans jamais ressentir la moindre tension.
Un guide m’a même convaincue de visiter la Fontaine de la vierge et je l’ai suivi, avec mon flash à l’épaule, au début les pieds dans l’eau, mais la source s’enfonçait dans un boyau souterrain et seule, une bougie vacillante, nous éclairait et l’eau montait jusqu’à mi-cuisse, mes accus de flash toujours à l’épaule, je les maintenais au-dessus de l’eau, là j’ai refusé d’aller plus loin et nous sommes ressortis trempés mais saufs. Je ne voyais pas ce que je photographiais et j’ai une photo de cette source avec mon guide en caleçon qui ne pensait pas être sur la photo, moi non plus d’ailleurs, mais c’est la plus intéressante de la série (je viens de la rechercher, mais c’est loin et mes nombreux déménagements ont eu raison de mon classement, je n’ai pas pu remettre la main dessus). Pour nous sécher, il m’a emmené dans sa famille, m’a prêté une robe jordanienne, petite séance photos souvenirs le tout dans une ambiance amicale.
Toutes ces rencontres m’ont un peu ouvert les yeux sur les problèmes de la région que j’ignorais complètement. La tension avec Israël était déjà très forte, l’eau du Jourdain que les Israéliens utilisaient très abondamment au détriment des Jordaniens était un sujet de discorde et puis la terre et puis Jérusalem.
Je n’avais bien sûr pas conscience de vivre un moment historique, bientôt tout ce calme et cet art de vivre ne serait plus qu’un souvenir des temps heureux. En 1967, la guerre des six jours faisait basculer toute la région dans le chaos où ils sont encore.
Mon reportage terminé, j’ai dû retourner vers Jérusalem-ouest ou m’attendait mon éditeur. Mais j’avais tissé des liens avec ce pays. Un taxi m’a déposé au point de passage avec mon guide qui avait tenu à m’accompagner et une fois les formalités et les congratulations d’usage remplies, je suis partie à pied avec tous mes bagages dans le « no man’s land » qui séparait les deux pays, une large bande de terre inhabitée entourée de barbelés, très impressionnants !!
De l’autre coté, j’ai trouvé une végétation exubérante, provocante, comme une démonstration de force. D’un coup je me suis sentie basculer d’un art de vivre millénaire et harmonieux à une frénésie de vivre, de construire, de gagner, de prouver et je n’ai pas aimé du tout. Jérusalem-ouest c’était les grandes artères, les buildings, les voitures, la vie moderne quoi !
Je viens de retrouver le livre édité à la suite de ce reportage. Il n’offre aucun intérêt, ce ne sont que les très belles réalisations de l’état hébreu et la partie Jordanienne de Jérusalem figure en toute petite place sans montrer le charme de la vie dans une ville arabe.
Mais pour moi, quelle révélation !!!! Après ce voyage, j’ai commencé à comprendre que je ne pourrais pas exercer mon métier coincée entre quatre murs. Il ne restait plus qu’à trouver les opportunités, et j’en aie trouvé pas mal et comme par hasard le point de chute suivant fut …… le Maroc ".
A SUIVRE....
Rosine Mazin